Le corps possède une horloge interne qui fait osciller divers processus physiologiques selon des cycles de 24 heures, appelés rythmes circadiens, ce qui inclut les changements quotidiens de la somnolence. La lumière est le repère temporel environnemental le plus fort qui remet à zéro l’horloge interne de 24 heures du corps. La mélatonine est une hormone produite dans le cerveau la nuit qui régule cette horloge biologique. L’exposition à la lumière avant le coucher peut réduire la qualité du sommeil en supprimant sa production. L’équipe de recherche a cherché à explorer le lien entre le processus physiologique qui permet à notre horloge biologique interne de se synchroniser avec les repères temporels externes (c’est-à-dire le jour et la nuit) — appelé réinitialisation de la phase circadienne — et la suppression de la mélatonine.
La suppression de la mélatonine et la réinitialisation de la phase circadienne sont souvent corrélées de telle sorte que des niveaux élevés de suppression de la mélatonine peuvent être associés à de grands décalages de l’horloge biologique. Cette association entre les deux réponses a souvent été supposée représenter une relation fonctionnelle, ce qui a conduit à accepter que l’une puisse être utilisée comme une mesure de substitution pour l’autre. La réinitialisation de la phase circadienne est plus difficile à mesurer que la suppression de la mélatonine, ce qui signifie que cette dernière a souvent été utilisée pour évaluer la perturbation de l’horloge biologique causée par l’exposition à la lumière la nuit. Toutefois, cette recherche a révélé que l’ampleur du décalage de l’horloge biologique interne est fonctionnellement indépendante de la suppression de la mélatonine. Cela jette un doute sur l’utilisation de la suppression de la mélatonine comme indicateur de la remise à zéro de la phase circadienne. Ces connaissances peuvent orienter les recherches futures visant à améliorer les traitements de la dépression et des troubles du sommeil liés au travail posté.
Les chercheurs ont testé l’association entre la suppression de la mélatonine et la réinitialisation de la phase circadienne chez les participants qui recevaient une exposition continue ou intermittente à la lumière vive la nuit. Dans le cadre de cette procédure de recherche, chaque participant a été hospitalisé pendant 9 à 10 jours au Brigham and Women’s Hospital de Boston, dans des conditions de laboratoire hautement contrôlées, avec un contrôle strict des horaires de sommeil/réveil, d’activité et de lumière/obscurité. Il a été constaté que les schémas d’exposition intermittente présentaient des déphasages significatifs avec une suppression de la mélatonine disproportionnellement moindre. De plus, chacune des impulsions intermittentes de lumière vive a induit un degré similaire de suppression de la mélatonine, mais n’a pas semblé provoquer un déphasage d’ampleur égale.
Malgré les résultats de cette étude suggérant une indépendance fonctionnelle dans les réponses de réinitialisation de la phase circadienne et de suppression de la mélatonine à l’exposition à la lumière la nuit, les conclusions de l’étude peuvent être limitées par la taille limitée de l’échantillon dans chaque condition d’exposition à la lumière.
L’auteur principal, le Dr Shadab Rahman, est enthousiasmé par les résultats de son équipe et a hâte d’étudier les nouvelles pistes d’intérêt qu’ils ont ouvertes :
« Dans l’ensemble, nos données suggèrent que la suppression de la mélatonine et la réinitialisation de la phase sont parfois corrélées, mais sont finalement régulées par des processus neurophysiologiques distincts. Par conséquent, la suppression de la mélatonine n’est pas un substitut fiable de la remise en phase. Il s’agit d’une considération importante pour le développement de traitements de luminothérapie destinés aux personnes ayant un sommeil de mauvaise qualité et une horloge biologique perturbée, comme les travailleurs postés, ou des troubles tels que la dépression. Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour optimiser les protocoles de luminothérapie utilisés comme traitement. »