Hippocrate
La pensée médicale avait atteint ce stade et avait partiellement écarté les conceptions fondées sur la magie et la religion en 460 avant notre ère, année où Hippocrate serait né. Bien qu’il ait été appelé le père de la médecine, on sait peu de choses de sa vie, et il se peut qu’il y ait eu plusieurs hommes de ce nom, ou qu’Hippocrate n’ait été l’auteur que de certains, ou d’aucun, des livres qui constituent le recueil hippocratique (Corpus Hippocraticum). Les auteurs antiques ont soutenu qu’Hippocrate a enseigné et pratiqué la médecine à Cos, l’île de sa naissance, et dans d’autres régions de la Grèce, y compris Athènes, et qu’il est mort à un âge avancé.
Que Hippocrate soit un seul homme ou plusieurs, les ouvrages qui lui sont attribués marquent le stade de la médecine occidentale où la maladie commence à être considérée comme un phénomène naturel plutôt que surnaturel et où les médecins sont encouragés à rechercher les causes physiques des maladies. Certains de ces ouvrages, notamment les Aphorismi (Aphorismes), ont été utilisés comme manuels scolaires jusqu’au XIXe siècle. Le premier aphorisme, le plus connu, est le suivant : « La vie est courte, l’art long, l’occasion soudaine et dangereuse, l’expérience trompeuse et le jugement difficile » (souvent abrégé en latin par « Ars longa, vita brevis »). Il est suivi de brefs commentaires sur les maladies et les symptômes, dont beaucoup restent valables.
Le thermomètre et le stéthoscope n’étaient pas connus à l’époque, et Hippocrate n’a pas non plus utilisé d’autre aide au diagnostic que ses propres pouvoirs d’observation et de raisonnement logique. Il avait une capacité extraordinaire à prédire l’évolution d’une maladie, et il mettait davantage l’accent sur l’issue attendue, ou pronostic, d’une maladie que sur son identification, ou diagnostic. Il n’avait aucune patience avec l’idée que la maladie était une punition envoyée par les dieux. À propos de l’épilepsie, qu’il appelait alors « la maladie sacrée », il déclarait : « Elle n’est pas plus sacrée que les autres maladies, mais a une cause naturelle, et sa prétendue origine divine est due à l’inexpérience humaine. Toute maladie, poursuivait-il, a sa propre nature, et naît de causes extérieures »
Hippocrate notait l’effet de la nourriture, de l’occupation, et surtout du climat dans l’apparition des maladies, et l’un de ses livres les plus intéressants, intitulé De aëre, aquis et locis (Air, eaux et lieux), serait aujourd’hui classé comme un traité d’écologie humaine. Poursuivant cette ligne de pensée, Hippocrate affirmait que « nos natures sont les médecins de nos maladies » et préconisait d’encourager cette tendance à la guérison naturelle. Il mettait l’accent sur l’alimentation et l’utilisation de peu de médicaments. Il savait bien décrire la maladie de manière claire et concise et consignait les échecs comme les succès ; il considérait la maladie avec l’œil du naturaliste et étudiait le patient entier dans son environnement.
Peut-être que le plus grand héritage d’Hippocrate est la charte de conduite médicale incarnée dans le serment dit d’Hippocrate, qui a été adopté comme modèle par les médecins à travers les âges :
Je jure par Apollon le médecin, et Asclépios, et la Santé, et Tout-Puissant, et tous les dieux et déesses…de considérer celui qui m’a enseigné cet art comme aussi cher que mes parents, de partager mes biens avec lui, et de le soulager si nécessaire ; de considérer ses enfants comme mes propres frères, et de leur enseigner cet art, s’ils le désirent, sans frais ni condition ; et que par le précepte, la conférence et tout autre mode d’instruction, je transmettrai la connaissance de cet art à mes propres fils, à ceux de mes professeurs, et aux disciples liés par une stipulation et un serment conformément à la loi de la médecine, mais à aucun autre. Je suivrai le système de régime que, selon ma capacité et mon jugement, je considère comme bénéfique pour mes patients, et je m’abstiendrai de tout ce qui est délétère et maléfique. Je ne donnerai aucun médicament mortel à qui que ce soit si on me le demande, ni ne suggérerai un tel conseil ; et de la même manière, je ne donnerai pas à une femme un pessaire pour produire un avortement… Dans toutes les maisons où j’entrerai, j’y entrerai pour le bien des malades, et je m’abstiendrai de tout acte volontaire de méfait et de corruption ; et, en outre, de la séduction des femmes ou des hommes, des libres et des esclaves. Tout ce que je verrai ou entendrai, dans le cadre de ma pratique professionnelle ou non, dans la vie des hommes, qui ne doit pas être dit à l’étranger, je ne le divulguerai pas, estimant que tout cela doit être tenu secret.
Non strictement un serment, il s’agissait plutôt d’un code ou d’un idéal éthique, d’un appel à la bonne conduite. Dans l’une ou l’autre de ses nombreuses versions, il a guidé la pratique de la médecine à travers le monde pendant plus de 2 000 ans.