Des physiciens français ont mesuré la plus longue demi-vie radioactive jamais atteinte – plus de vingt milliards de milliards d’années – dans un élément naturel qui se désintègre en émettant des particules alpha. Nőel Coron et ses collègues de l’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay ont utilisé un « bolomètre scintillant » à très basse température pour détecter l’émission de particules alpha – particules chargées constituées de deux protons et de deux neutrons – lors de la désintégration du bismuth-209 en thallium-205 (P de Marcillac et al. 2003 Nature 422 876).
Bien que le bismuth-209 soit communément considéré comme l’isotope stable le plus lourd qui existe dans la nature, la théorie suggère qu’il devrait être métastable et se désintégrer par émission de particules alpha en thallium-205. Cette désintégration n’est pas facile à mesurer car les particules alpha générées ont très peu d’énergie, ce qui signifie que l’isotope se désintègre à un taux très faible.
L’équipement utilisé par l’équipe d’Orsay consiste en deux détecteurs « chaleur et lumière » qui sont enfermés dans une cavité réfléchissante et refroidis à 20mk. Le premier détecteur – contenant du bismuth-209, du germanium et de l’oxygène – subit une légère élévation de température lorsqu’il absorbe une particule alpha. Cette variation de température est mesurée sous la forme d’une impulsion de tension dont l’amplitude est directement proportionnelle à l’énergie libérée. Le second détecteur, constitué d’un mince disque de germanium, enregistre les flashs lumineux des événements liés aux particules alpha.
L’équipe a effectué deux mesures, l’une avec 31 grammes de bismuth dans le détecteur et l’autre avec 62 grammes. Les scientifiques ont enregistré 128 événements de particules alpha sur 5 jours et ont trouvé une ligne inattendue dans le spectre à 3,14 MeV – maintenant attribuée à la désintégration du bismuth-209. La demi-vie a été calculée à (1,9 +/- 0,2 ) x 1019 ans, ce qui est en bon accord avec la prédiction théorique de 4,6 x 1019 ans.
La technique pourrait également être utilisée pour détecter avec précision les désintégrations bêta et gamma. « L’expérience est un sous-produit de notre recherche de la matière noire », a déclaré Pierre de Marcillac, membre de l’équipe, à PhysicWeb. « D’autres types de désintégrations, comme les protons provenant de noyaux riches en protons, pourraient être étudiés par la même méthode mais cela devra être prouvé ! »
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