Cette saison d’élections fédérales, l’avortement est indéniablement un enjeu de campagne, avec une couverture médiatique suggérant régulièrement que les droits à l’avortement sont ténus ou à débattre.
Le chef conservateur Andrew Scheer a déclaré qu’il est « personnellement pro-vie », tout en insistant sur le fait que son cabinet ne « rouvrira pas la question ». Cela laisse toutefois la porte ouverte à des députés individuels pour présenter des projets de loi d’initiative parlementaire anti-avortement.
Lors d’une assemblée publique du NPD sur les soins de santé à Halifax, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a critiqué l’accès à l’avortement comme étant « abyssal » et a promis d’appliquer la Loi canadienne sur la santé pour l’améliorer.
La chef du Parti vert, Elizabeth May, continue de soutenir qu’une femme a droit à un avortement sûr et légal, alors que les candidats du parti peuvent avoir des points de vue contradictoires. Justin Trudeau, chef du Parti libéral, est « profondément déçu du « recul du droit à l’avortement ». »
En tant qu’infirmière diplômée qui fournit des soins d’avortement, et en tant que chercheuse sur l’accès à l’avortement, je m’inquiète que ces nouvelles créent une confusion sur la réalité et la légalité de l’accès au Canada. De plus, les nouvelles de la législation anti-avortement aux États-Unis s’infiltrent au nord et obscurcissent la compréhension de nos besoins et de nos préoccupations.
La pilule abortive médicale
Au Canada, l’avortement n’est pas limité par le droit pénal et est protégé par les droits constitutionnels à la sécurité de la personne et à la protection contre la discrimination sexuelle et de genre.
C’est un service de santé régi par les règles que les organisations professionnelles de la santé créent pour s’autoréguler. L’avortement est courant. On compte environ 100 000 avortements par an au Canada et une femme canadienne sur trois aura recours à l’avortement au cours de sa vie.
L’avortement est sécuritaire pour les patientes, et la plupart des fournisseurs de services d’avortement au Canada se sentent en sécurité pour le pratiquer. La grande majorité des procédures ont lieu au cours du premier trimestre. L’avortement est assuré par l’État et, dans la majorité des cas, est gratuit pour la patiente.
En 2015, Santé Canada a approuvé Mifegymiso, la pilule d’avortement médicamenteux. Elle est disponible depuis 2017 et est efficace pour une utilisation jusqu’à neuf semaines de gestation. Mifegymiso est également assuré publiquement par l’ensemble des provinces et des territoires.
Mifegymiso comprend en fait deux médicaments : la mifepristone et le misoprostol, pris sur une période de 24 heures. Une semaine après avoir pris le Mifegymiso, les patientes refont leurs analyses de sang. Une forte diminution de l’hormone de grossesse bêta HCG confirme une interruption de grossesse réussie.
De même que certaines fausses couches spontanées peuvent nécessiter des soins supplémentaires, dans une petite partie des cas, une intervention chirurgicale peut être nécessaire pour compléter un avortement médical. Bien que les prestataires ne soient pas tenus de suivre une formation spécialisée pour prescrire le Mifegymiso, une formation complète est facilement accessible.
Le manque de disponibilité de l’échographie ne devrait pas non plus être un obstacle, bien que l’échographie reste précieuse pour dater une grossesse et écarter une grossesse ectopique.
Inégalités persistantes à travers le Canada
Le plus grand obstacle pratique à l’avortement au Canada est géographique : il y a trop peu de prestataires vivant dans trop peu d’endroits. Les enquêtes menées auprès des prestataires d’avortement ici ont révélé que la plupart vivent dans de grands centres urbains.
L’introduction de Mifegymiso pourrait changer cela. Tous les médecins et les infirmières praticiennes pourraient prescrire Mifegymiso (il y a des exceptions au Québec). En théorie, tous les cabinets de soins primaires du pays pourraient fournir ces soins. Cela signifie que l’avortement est potentiellement plus accessible au Canada que dans n’importe quel autre pays du monde.
Mais pour l’instant, il faut faire face à la stigmatisation et à la désinformation. Quelques iniquités persistantes compliquent les choses, rendant le paysage de l’accès inintelligible ou mystique. Par exemple, le Nouveau-Brunswick n’assure pas les interventions chirurgicales effectuées dans une clinique en dehors de l’hôpital. L’Ontario ne paiera pas pour Mifegymiso si vous vivez à l’extérieur de la province ou si vous n’êtes pas résident ontarien. Le Québec ne permettra pas aux infirmières praticiennes de prescrire Mifegymiso.
Contrairement aux États-Unis, au Canada, les infirmières praticiennes peuvent pratiquer l’avortement médical, mais pas chirurgical.
L’éducation du public est essentielle
Nous devons retirer toute mention des débats sur l’avortement et nous concentrer sur la réalisation de la clarté, et de l’universalité. La loi canadienne sur la santé l’exige.
Aligner les politiques irrégulières à travers le Canada est la première étape évidente. La suivante consiste à simplifier le chemin de l’accès en améliorant les processus d’auto-référencement et en réduisant les temps d’attente pour les soins primaires et les échographies. L’élargissement du champ d’exercice des infirmières praticiennes et des sages-femmes pour fournir des avortements chirurgicaux et médicaux pourrait augmenter le nombre de prestataires.
Le plus important, cependant, est d’augmenter l’éducation factuelle sur l’avortement. Le public doit savoir ce qu’est l’avortement et comment l’obtenir. Les étudiants et les professionnels de la santé doivent apprendre à inclure l’avortement dans leur pratique et à orienter rapidement et facilement une patiente vers les soins dont elle a besoin.
Enfin, l’avortement doit être compris comme essentiel mais inadéquat pour la santé reproductive. La santé menstruelle, le consentement, la contraception, les services de santé trans et la santé mentale reproductive doivent tous faire partie des nouvelles, des plateformes des partis et de l’agenda de notre prochain gouvernement.